Bouteille à la terre
Quand viendra mon dernier jour
Que sonn'ra enfin mon tour
De rejoindre mes ancêtres
Au port
Si je pouvais exprimer
Une dernièr' volonté
Avant que de disparaître
Alors
Rappelez-moi pour, un soir,
Me dir' la fin de l'histoire
Me lir' la suit' du roman
Je lance
Une bouteille à la Terre
Lettre sans destinataire
Et je m'endors dans le grand
Silence
Rappelez-moi dans mille ans
Un coup d'fil au firmament
Pour me dir' comment ça va
Chez vous ?
Reste-t-il des homm's sur Terre ?
Se font-ils toujours la guerre ?
Et se souvient-on de moi
Surtout ?
Rappelez-moi s'il vous plaît
Pour me dir' ce qu'il en est
De vos climats, vos saisons,
La neige
Est-elle encor de ce monde ?
Ou, sous un soleil immonde
Cent millions d'affamés font
Cortège ?
Rappelez-moi si ça s'peut
Pour me raconter un peu
Ce qu'est devenu le Sud
L'Afrique
A-t-elle encor tant de charmes ?
Lui vend-t-on encor nos armes,
Pour se fair' - les temps sont rudes -
Du fric ?
Est-ce que pour notre confort
On continue les efforts
Pour maintenir la misère
Ailleurs ?
Et ce mot, Égalité,
Est-il devenu pêché ?
Ou le crie-t-on au contraire
En choeur ?
Rappelez-moi dans mille ans
Pour me raconter comment
On a envahi la Lune
Et Mars
Est-ce qu'on a trouvé, ailleurs,
Ce brin d'étoile intérieur ?
Ou l'a-t-on fait pour des prunes ?
Quelle farce !
Rappelez-moi pour me dire
Si l'on doit pleurer ou rire
En voyant les hommes et leur
Amour
Broient-ils encore leurs passions,
Tristes de dépossession ?
Et tissent-il leur malheur
Toujours ?
Rappelez-moi quelques fois
Pour me dire à qui l'on croit
Bouddha, Mahomet, Jésus,
Ou Marx ?
Est-ce qu'on a gardé le sens
Des rit's, des chants et des danses ?
Ou tout s'est-il décousu
Hélas ?
Est-ce qu'on s'est laissé tenté
À jouer l'apprenti-sorcier ?
Est-ce qu'on a fait des mutants,
Des clones ?
A-t-on tiré les leçons
De nos trop grand's ambitions ?
Et peut-on re-nager dans
Le Rhône ?
J'imagin’ qu'on croit toujours
À l'âg’ d'or et son retour :
"Les anciens étaient heureux,
Avant"
Peut-être auront-ils raison
Et le temps où nous vivons
N'est pas le plus désastreux ?
Pourtant,
Comme j'aim'rais qu'on me dise
Bien sûr il y eut des bêtises
Mais tes combats ont touché
Leur but
On a écouté tes mots
Et malgré tous nos défauts
On les a vues accoucher,
Nos luttes
Rappelez-moi juste une fois
Je suis trop curieux je crois,
Mais j'aim'rais savoir encore
Jusqu'où
L'homme a poussé ses démons
Et vidé ses déraisons
A-t-il touché à son corps ?
Le fou...
Peut-être n'est-il plus là
Pour sonner son propre glas ?
Peut-être a-t-il disparu
En somme ?
Peut-être que son espèce
Est en danger, en détresse ?
Peut-être Dieu n'y croit plus
En l'Homme ?
...
Rappelez-moi dans mille ans
Un coup d'fil au firmament
Pour me dire comment ça va
Chez vous ?
Reste-t-il des homm's sur Terre ?
Se font-ils toujours la guerre ?
Et se souvient-on de moi
Surtout ?
Rappelez-moi s'il vous plaît
Pour me dir' : « tu t'es trompé
On n'est pas si malheureux
Et même
On dit mieux qu'en votre temps
Et peut-être plus souvent
Ces mots qui vous mont'nt aux yeux :
''Je t'aime'' »