L’Antéchrist
Je ne suis pas du tout l'Antéchrist de service
J'ai même pour Jésus et pour son sacrifice
Un brin d'admiration, soit dit sans ironie
Car ce n'est sûrement pas une sinécure
Non, que de se laisser cracher à la figure
Par la canaille et la racaille réunies
Bien sûr, il est normal que la foule révère
Ce héros qui jadis partit pour aller faire
L'alpiniste avant l'heure en haut du Golgotha
En portant sur l'épaule une croix accablante
En méprisant l'insulte et le remonte-pente
Et sans aucun bravo qui le réconfortât !
Bien sûr, autour du front, la couronne d'épines
L'éponge trempée dans Dieu sait quelle bibine
Et les clous enfoncés dans les pieds et les mains
C'est très inconfortable et ça vous tarabuste
Même si l'on est brave et si l'on est robuste
Et si le paradis est au bout du chemin
Bien sûr, mais il devait défendre son prestige
Car il était le fils du ciel, l'enfant prodige
Il était le Messie et ne l'ignorait pas
Entre son père et lui, c'était l'accord tacite :
Tu montes sur la croix et je te ressuscite !
On meurt de confiance avec un tel papa
Il a donné sa vie sans doute mais son zèle
Avait une portée quasi universelle
Qui rendait le supplice un peu moins douloureux
Il savait que, dans chaque église, il serait tête
D'affiche et qu'il aurait son portrait en vedette
Entouré des élus, des saints, des bienheureux
En se sacrifiant, il sauvait tous les hommes
Du moins le croyait-il ! Au point où nous en sommes
On peut considérer qu'il s'est fichu dedans
Le jeu, si j'ose dire, en valait la chandelle
Bon nombre de chrétiens et même d'infidèles
Pour un but aussi noble, en feraient tout autant
Cela dit je ne suis pas l'Antéchrist de service