TON PERE TON ENNEMI
Ça y est, il n’est plus là
Le coup dur est passé
Et tu n’réalises pas
Tout ce qu’il t’a laissé
Tu ne sens qu’un grand trou
Comme un vide en ton ventre
Comme une faim de loup
Dans ton espoir en cendres
Ça y est, c’est terminé
Pourtant ça continue
Toutes ces choses à régler
Qui pèsent et qui te tuent
Déjà que t’es blessé
Déjà que ta vie tangue
En plus faut s’occuper
De taire les mauvaises langues
Ça va offrir leurs fleurs
Leurs petits bouquets maigres
Pas autant que leurs cœurs
Qui n’attendent qu’un legs
Ça va parler trop fort
Ça va même pas pleurer
Ça va faire un effort
Mais ce sera pas assez
Et tu t’sentiras seul
Tout seul et malheureux
Tu t’prendras en pleine gueule
Leurs « Désolé, monsieur »
Et l’sourire de travers
T’attraperas leurs mains
Toutes ces mains que l’on serre
Parce que c’est mieux que rien
Ça y est, il n’est plus là
Mais quand il est parti
C’est plus tout à fait toi
Qu’il a laissé ici
Toi qui lui avais tant
Reproché ses façons
D’user ton cœur d’enfant
Avec toutes ces leçons
Et toi qui n’avais pas
Fini d’lui en vouloir
Quand il t’a dit tout bas
Une sorte d’au revoir
Te voilà entouré
De tous ces gens souriants
Qui viennent s’agenouiller
Et prendre un p’tit coup d’blanc
Bien sûr qu’il n’est plus là
Ça faisait des années
Qu’il allait à p’tits pas
Déserter sa santé
C’pas vrai qu’il est parti
Sans que tu t’y attendes
Pourtant tu es surpris
Pourtant, tu te demandes
Maintenant qu’il n’est plus là
Qu’est-ce que tu vas bien faire
Toi le petit soldat
Qui lui faisait la guerre?
Voilà qu’il n’est plus là
Et voilà qu’il te semble
Qu’il y a dans ta voix
Des mots qui lui ressemblent
Ces conseils un peu bêtes
Dont il te matraquait
Voilà qu’tu les répètes
Comme un bon perroquet
Tu sais mieux qui tu es
Et tu n’as même pas honte
De faire ce qu’il faisait
Tu n’t’en rends même pas compte
Tu aimes à sa façon
Cette façon discrète
Dont ta vie de garçon
Fut tant insatisfaite
Voilà qu’il n’est plus là
Ton père, ton ennemi
Celui-là que parfois
Tu as presque haï
Dans ton cœur de p’tit gars
Qui n’était pas comme lui
Voilà qu’il n’est plus là
Mais t’es tellement ici
Avec tes souvenirs
Qui deviennent presque beaux
Maintenant, tu veux t’souvenir
Tu as limé tes crocs
Voilà qu’il n’est plus là
Non mais tout ça, c’est faux
Non seulement, il est là
Mais il est ton héros
Y a quelque part en toi
Son âme qui se planque
Ton terrible papa
Ben voilà qu’il te manque
Et bien sûr, je suis là
Moi ton amie, ta femme
Parfois j’essuie tout bas
Une timide larme
Qui sur ta joue s’en va
Comme s’en vont les semaines
Comme s’en iront les mois
Sans que parte ta peine
?
Oui moi je ne suis que là
À t’aimer comme je peux
Oui bon Dieu, je suis là
Comprenant presque mieux
Oui presque mieux que toi
L’empreinte que ton vieux
A laissée dedans toi
Je la vois dans tes yeux…