JOUR DE SORTIE
C'était par un jour de printemps,
Six potaches, les bras ballants,
S'en allaient en prom'nade
N'ayant qu'un pion pour garde,
Lui, qu’ca cramponnait, marchait d’vant,
Cigarette au bec, nez au vent,
Sous l'influence première
D’la saison printanière,
Les six collégiens
Le suivaient à six pas derrière
Les six collégiens
Le suivaient comme six petits chiens
L'printemps absorbait l'pion tell'ment
Qu'il oublia complètement
Les six jeun’s gens d' famille
Pour lorgner un' jeun’ fille,
Et qu'oubliant sa mission,
Afin d'lier conversation
I s'lance à la poursuite
D'la p'tit' qui filait vite.
Les goss's épatés
Au pas d’ cours' filaient à sa suite
Les goss's épatés,
Le suivaient comm' six dératés
La petit ' sans s'être arrêté'
Passa devant la Trinité
Et doubla tout' guill’rette
Notre Dam' de Lorette
Et, toujours courant, elle entra
Dans un' maison d'la ru' Bréda.
Le pion perdant la tête
Y suivit sa conquête
Et les six potach's
Montèr'nt en r’luquant la pip'lette
Et les six potaches
Montèr'nt en frisant leurs moustaches
La petit' dépassa l'premier
Le pion la r’joignit su' l’palier
Et lui dit : "Je vous aime !"
En montant le deuxième.
Et quand, au troisième, elle ouvrit
Le pion affolé la suivit
Dans la chambr’ de la belle
S'engouffrant avec elle,
Et dans l'antichambr’
Les six potach's jouaient d'la prunelle
Et dans l'antichambre
Ils causaient à la femme de chambr’ !
Or, le pion resta tant et tant
Qu'il ne trouva plus en sortant
Les goss's d'humeur gaillarde
Dont il avait la garde.
Il s'enfuit tell'ment effrayé
Que l'on craint qu'i n'se soit noyé
Les potach's, on l'devine,
Etaient dans la cuisine
ils restèr’nt trois jours
Et r’vinr'nt malad's de la poitrine
Ils restèr’nt trois jours
Mais ils s'en souviendront toujours.