D’amour tendre
Deux pigeons s'aimaient d'amour tendre
L'un veut partir, l'autre se plaint
Le premier ne veut rien entendre
Il part mais voici qu'en chemin
Il collectionne les problèmes
Se fait piéger, tremper, manger
Ou peu s'en faut. Il se fait même
Assommer par un écolier
Lors pour le coup il abandonne
Rentre chez lui ; on le plaint fort
On le console, on le bichonne
Il jure de rester au port
Il jure de rester au port
Vraiment, Monsieur de La Fontaine
Y croyez-vous à ses remords ?
Eut-il regretté ses fredaines
S'il n'eut pas côtoyé la mort ?
À supposer qu'une amourette
L'eût enflammé, chemin faisant
Il n'eût pas vécu tant d'alertes
N'eût pas senti passer le temps
Et l'autre, là, qui se lamente
Au lieu de profiter du lit
Au lieu de suivre enfin la pente
De la paresse et de l'oubli
De la paresse et de l'oubli
Car enfin, revoyons l'histoire
"L'un d'eux s'ennuyant au logis"
Vous ne m'en ferez pas accroire
Il s'ennuyait, vous l'avez dit
Et plus loin, parlant de son frère
"Je le désennuierai" ah ! ah !
Nous tenons le mot de l'affaire
Il s'ennuyait aussi, voilà !
Voyez encore ces hypocrites
En pleurant se dirent adieu
Quoi d'étonnant à ce qu'ensuite
Son voyage fût malheureux ?
Son voyage fût malheureux ?
Heureux amants, si d'aventure
Vous sentez la tranquillité
Tomber comme une couverture
Sur vos rêves de volupté
Arrachez-vous, fuyez ensemble
Ou séparés. Le monde est grand
Que l'impatience vous rassemble
Et que l'amour marche devant
Multipliez les retrouvailles
N'attendez pas pour voyager
Qu'indifférence vous tenaille
Que soit passé le temps d'aimer
Que soit passé le temps d'aimer