ROUEN PLEURE
Je m'revois marcher dans la ville
Passer devant le café brun
J'écoute l'étoile et l'araignée
En recomptant chacun d'mes pas
Sous mes pieds tes pavés glissent
Sur tes toits bleus la pluie s'abat
Perchées aux façades des églises
Des gargouilles sanglotent çà et là
Dans tes vitrines des sucres d'orges
Du réglisse et des pâtisseries
Dans tes ruelles des familles
Courent à la recherche d'un abri
Moi je marche d'un pas lent
Entre tourment et torpeur
Si c'est moi qui suis si triste
Pourquoi est-ce toi Rouen qui pleure ?
Je me promène pour digérer
Tous mes précédents échecs
Ils s'accumulent j'accuse le coup
Ils viennent à bout d'mon endurance
J'ai pas d'travail et ma poitrine
est plus vide que mon carnet de chèques
Tes lampadaire me la rappellent et expliquent cette ultime errance
Pas un adieu un simple au revoir
Du haut de la Côte Sainte Catherine
Ou je t'ai vu belle dans le soleil
Superbe sous l'intempérie
Je n'attendrai pas les sanglots longs
Des violons de l'automne
J'dois m'en aller guérir mon cœur
Lui qui pour l'instant périt
Rouen pleure
Rouen pleure
On reste de Rouen toute sa vie alors même qu'on n'est plus à Rouen Pour moi être fou c'est aller à Quatre-Mares; la prison c'est la Bonne-Nouvelle et la foire c'est la Saint-Romain Si l'on ne comprend pas toujours Rouen on s'en impègne et l'on en demeure imprégné
Allô salut Rouen ma belle
Oui je sais ça fait longtemps
J'suis v'nu te donner des nouvelles
Malgré l'ennui j'passe du bon temps
Au début c'était pas facile
J'avais pas d'thunes près de la mer
Intérimaire dans une usine
J'me suis installé chez ma mère
Et puis j'ai trouvé un travail
Surveillant dans un collège
Je vois du monde tout les jours
J'ai des amis et des collègues
D'ailleurs au bout de quelques temps
Les néons blancs d'la vie scolaire
Ont remplacé l'souv'nir latent
De la lumière des lampadaires
Pourtant ce qui m'éclaire le plus
Ce sont les visages des gamins
Leurs quasiment six cent sourires
Ont fini par me rendre le mien
Ils ne s'en rendent même pas compte
Peut-être plus ou moins pour certains
Ta tristesse est un poison
Eux l'antidote le vaccin
Mais demain
Dès l'aube à l'heure où blanchit la campagne
Je partirai
Vois tu
Je sais que tu m'attends
J'irai par la N27 quand j'aurai fini mon voyage et
Je reviendrai à Rouen