BAIN DU MODELE (LE)
C’était un’ petite Italienne
Qui posait dans les ateliers,
Ell’ avait dix-huit ans à peine,
Des p’tits pieds et des grands souliers,
Quoiqu’elle fut un bébêt’,
Elle était gentill’ comme un cœur,
Mais répondait un’ drôle d’odeur
Car ell’ s’lavait jamais la tête.
R : Quand on veut êtr’ modèl’
Chez les rapins, chez les rapins,
Suffit pas d’être belle
Faut prendr’ des bains, des bains.
Quand on veut êtr’ modèl’
Chez les rapins, chez les rapins,
Suffit pas d’être belle
Faut prendr’ des bains.
On la présente à Rochegrosse
Pour poser dans un grand tableau,
Mais il dit en voyant la gosse :
"Elle a donc un' maladi' d'peau ?
"Elle est sal' comme trent' deux fumistes,
"V’là quarante sous pour prendre un bain
"Si tu n'l'as pas pris d'ici d'main,
"J't'envoie chez les impressionnistes !
La p'tit’ qu'avait pas l'habitude,
Fut m'née au bain, triomphal'ment
On l'enferma, comm' feu Latude,
Dans un' petit 'chambr' peinte en blanc.
Les rapins restèr'nt à la porte,
Mais au bout de sept heur's un quart
Ils lui crièr'nt : V'là qu'i s'fait tard :
"Réponds, nous au moins si t'es morte !"
Ils entr’nt, n'obtenant pas de réponse,
ils trouv'nt la p'tit' penché' sur l'eau
Disant : "J'peux plus boir’ je défonce !"
Elle avait l'ventr' comme un tonneau.
Par suit' d'une erreur fantastique,
Elle avait cru que ça s'buvait.
Elle mourut des suit's de ce fait
quarante ans après hydropique.
Depuis ce temps là, l'Italienne
A l'horreur de l'eau, tellement
Qu’il n’y a pas moyen qu'on obtienne
Qu'elle’ se lav' plus d'un' fois par an.
La moral' de cette romance,
C'est que l'eau, ça sert à l'extérieur,
Faut s'en mettre à l'intérieur
que dans un' très grav' circonstance.